Existe-t-il des lignes directrices et des incitations pour une culture du bâti de qualité ?

En 2015, les Chemins de fer rhétiques organisent un concours pour la réalisation d’un second pont sur le Rhin postérieur. Le nouveau pont doit s’accorder avec le pont en treillis existant, construit en 1896 et classé monument historique, enjamber l’autoroute et bien s’intégrer dans le paysage. Au total, 42 équipes provenant de toute l’Europe participent au concours, qui est remporté par le projet du groupement des bureaux d’études WaltGalmarini (Zurich) et COWI UK Limited (Londres).

Le lieu répond-il aux besoins ?

Jusqu’en 2018, le train qui relie Coire à Thusis traversait le Rhin postérieur sur un pont à une voie, situé juste après la gare de Reichenau-Tamins. Alors que le tronçon jusqu’à cet endroit avait été élargi à deux voies dans les années 1960, le passage de la rivière n’avait qu’une seule voie, ce qui entraînait souvent des temps d’attente lors du croisement des trains. Ce goulet d’étranglement n’existe plus depuis que le pont classé enjambant le Rhin postérieur a été complété par le nouvel ouvrage. Aujourd’hui, environ huit trains par heure passent par-dessus la rivière.

Le lieu favorise-t-il la mobilité durable ?

Reichenau est le point de départ de nombreuses promenades et sentiers de randonnée pédestre le long du Rhin postérieur et du Rhin antérieur. Depuis la rénovation du pont historique sur le Rhin postérieur, l’ancienne passerelle réservée à la maintenance, placée dans la partie inférieure du pont, est ouverte au public et offre un nouveau passage pour la mobilité lente. Depuis la gare, un nouvel itinéraire pédestre mène à travers l’ouvrage d’art historique et permet de découvrir non seulement des constructions métalliques réalisées l’une au XIXe et l’autre au XXIe siècles, mais aussi la vue sur le confluent du Rhin postérieur et du Rhin antérieur et le château de Reichenau.

Les matériaux et méthodes de construction ont-ils un cycle de vie long qui réduit l’entretien et préserve, voire accroît, la valeur du lieu ?

Le pont historique est en exploitation depuis 1896. En 1958, la protection contre la corrosion a été refaite et les diagonales, les montants et les goussets d’assemblage de la construction en treillis ont été renforcés avec des éléments soudés. Après l’achèvement du nouveau pont en 2018, le pont historique a été une nouvelle fois remis en état. Les piliers du pont complémentaire sont en béton et en acier, tout comme la superstructure. Les assemblages sont exécutés de façon à résister à la fatigue du matériau et le pont nécessite peu d’entretien.

Le lieu favorise-t-il le partage des responsabilités en matière d’espaces privés et publics ?

Le nouveau pont est situé dans un paysage exceptionnel sur les plans topographique et historique, au confluent du Rhin postérieur et du Rhin antérieur. Le paysage de collines au sud de la gare est inscrit dans l’inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale. Par ailleurs, le centre du village de Tamins et le château de Reichenau figurent dans l’inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse. Le lieu est passionnant pour quiconque s’intéresse à la construction des ponts, puisque cinq ouvrages y enjambent le Rhin.

La création contemporaine rehausse-t-elle la qualité de l’existant ?

Le programme du concours organisé par les Chemins de fer rhétiques soulignait le caractère exceptionnel du lieu et la valeur patrimoniale du pont historique. Les auteurs du nouveau pont ont conçu leur ouvrage de façon à ce que, vu depuis nord, il disparaisse derrière le monument historique. Depuis le sud, on distingue bien les piliers en forme de V de l’ouvrage de 200 m, qui sont placés exactement derrière les piliers existants. Les deux ouvrages se marient remarquablement malgré leur différence d’âge.

Les valeurs locales, régionales et historiques sont-elles intégrées dans la conception et la gestion du lieu ?

Le nouveau pont s’oriente sur l’ouvrage historique pour ce qui est du choix des matériaux ainsi que des dimensions et de la position des piliers, raison pour laquelle les nouveaux piliers ne sont presque pas visibles depuis le nord. Placé au sud de l’ouvrage existant, le nouveau pont est utilisé par les trains de la ligne de l’Albula, en Engadine, sur laquelle circulent davantage de trains que sur celle en direction d’Ilanz, qui passe sur le pont historique. Le pont complémentaire décharge donc le pont historique et prolonge sa durée de vie.

Le lieu a-t-il un impact affectif sur le spectateur ?

Le site qui accueille le couple de ponts offre un tableau fortement contrasté. Situé dans la plaine, il est entouré par le paysage fluvial des deux Rhin, les vastes champs agricoles, le château historique de Reichenau et les hautes montagnes, mais il est aussi traversé par l’autoroute A13. Suivant la perspective, l’idylle paysagère ou la complexité des ouvrages d’infrastructure saute aux yeux. Les cinq ponts, situés dans un rayon très limité et tous différemment construits, offrent une grande richesse de détails tout en laissant découvrir de belles vues sur le lointain.